Le champion du monde d’échecs accuse son adversaire de triche, voici ce que l’on sait du scandale
Par Tara BRITTON - Il y a 1 hDepuis début septembre 2022, l’élite du monde des échecs est secouée par un nouveau scandale de tricherie. Retour sur l’affaire opposant les joueurs Magnus Carlsen et Hans Niemann, qui fait grand bruit.
En 2020, la sortie de la série Netflix Le Jeu de la Dame mettait un véritable coup de projecteur sur l’univers professionnel des échecs avec ses joueurs, maîtres et grands maîtres internationaux qui font carrière dans une discipline alors méconnue du grand public. Deux ans plus tard, les échecs sont de nouveau mis sur le devant de la scène, mais cette fois, ils se seraient peut-être passés de cette médiatisation.
Un geste et un message énigmatique allument la flamme
Tout commence le 5 septembre 2022. Lors de la Sinquefield Cup, un tournoi organisé aux États-Unis où s’affrontent chaque année les meilleurs joueurs du monde, le Norvégien Magnus Carlsen affronte l’Américain Hans Niemann. Le premier est quintuple champion du monde à 31 ans, le second, 43e mondial, est âgé de 19 ans et a été invité à la dernière minute.
C’est pourtant lui qui remporte la partie de façon totalement inattendue. Après sa défaite, Magnus Carlsen renonce subitement au prestigieux tournoi et écrit sur les réseaux sociaux : « Je me retire du tournoi. J’ai toujours aimé jouer à Saint-Louis et j’espère y revenir. » Il ajoute à son message une vidéo de l’entraîneur de football portugais José Mourinho, qui déclarait en 2014, après un match de football perdu : « Je préfère ne pas parler. Si je parle, je vais avoir de gros ennuis. »
Soupçons de triche
La réaction du joueur d’échecs norvégien et son message énigmatique sèment la zizanie. Le monde des échecs et les médias s’emparent de l’histoire. L’historique de Hans Niemann est passé au peigne fin, d’autant que l’Américain connaît une ascension fulgurante et qu’il a déjà avoué avoir triché à deux reprises, lors de parties en ligne, quand il avait 12 et 16 ans.
Le jeune joueur a beau s’expliquer, affirmer qu’il est « propre » et prêt à jouer nu s’il le faut pour prouver sa bonne foi, les soupçons de triche gravitent autour de sa personne, d’autant que ses statistiques de victoires sont meilleures lorsque les parties sont diffusées.
« L’assistance par ordinateur est un fléau »
« Comme on est capable de savoir le bon coup à jouer avec l’intelligence artificielle et que les parties sont transmises en direct, si on peut communiquer à distance, c’est très facile de devenir le meilleur joueur de la planète, explique Éloi Relange, président de la Fédération française d’échecs et grand maître international. L’assistance par ordinateur est un fléau pour la discipline. Elle a des conséquences dont l’une d’entre elles : la rumeur. Quand un joueur commence à jouer très largement au-dessus de son niveau, les soupçons de triche émergent. Tout le monde devient un peu paranoïaque. On a vite fait de dégainer cet argument, ce qui peut être dramatique pour les joueurs qui se surpassent et réalisent un très bon tournoi. »
L’affaire prend de nouvelles proportions, le 19 septembre, lorsque les deux joueurs sont de nouveau opposés lors d’une partie en ligne dans le cadre de la Julius Baer Generation Cup. Dès son premier coup, Magnus Carlsen abandonne. Il éteint sa webcam, sans un mot.
Des accusations sans preuve
Quelques jours plus tard, le champion du monde sort du silence en publiant un communiqué. « Je crois que Niemann a triché plus, et plus récemment qu’il ne l’a publiquement admis. Sa progression en face-à-face est inhabituelle. Pendant notre match à la Sinquefield Cup, j’ai eu l’impression qu’il n’était pas tendu ou même pleinement concentré sur le jeu dans les moments critiques alors qu’il me surpassait avec les noirs en jouant à un niveau que seuls une poignée de joueurs peuvent atteindre. »
Convaincu de la culpabilité de son adversaire, le Norvégien n’avance cependant aucune preuve qui permettrait d’ouvrir une enquête. « J’aimerais pouvoir dire plus, malheureusement je suis limité dans mes paroles sans la permission explicite de Niemann pour parler ouvertement. Pour l’instant, je n’ai pu parler qu’à travers mes actes et ceux-ci soulignent clairement que je ne veux pas jouer aux échecs avec Niemann », conclut-il sur un ton sec, espérant que « la vérité sorte au grand jour ».
À travers cette affaire, c’est donc tout le débat autour de la triche dans le monde des échecs qui est ravivé. L’image de la discipline en prend aussi forcément un coup, alors que celle-ci était pourtant en pleine ascension.
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